La série australienne "Hartley coeurs à vif", diffusée l'année dernière encore par France 2 est comparée par certains avis autorisés (Télé 7 jours en particulier) aux "Années collège", qui ont marqué notre jeunesse lorsqu'elles passaient dans "Giga", sur la même chaîne. Mais même si ces deux productions non-américaines ("Les années Collège" sont canadiennes) ont en commun d'être tournées en décors réels et de ne pas se limiter à des intrigues simplistes à la "Sauvé par le gong", il faut se rendre à l'évidence : Hartley n'arrivera jamais à la cheville de Degrassi, tout simplement parce que les scénaristes des "Années collège" n'avaient aucune limite dans la glauquerie, aucun tabou.
Il suffit d'abord de quelques images pour s'en convaincre : le lycée d'Hartley est situé non loin d'une plage ensoleillée, et les acteurs de la série sont relativement gosses beaux. Au contraire, "Les années collège" mettent en scène, dans un décor sinistre, des jeunes réellement atroces (dont certains ont par la suite connu une carrière intéressante) Souvenez-vous de la tronche à gerber de Spike, du look cruellemnet Est-Allemand de Wills, de la gueule hébétée de Snake, pour ne citer qu'eux. Il semble que tous aient été choisis en fonction de leur laideur, complétée en général par une tenue vestimentaire évoquant à la fois la pauvreté et le mauvais goût (ne parlons même pas du maquillage des jeunes filles). Le résultat est pétrifiant, puisque dans cette faune digne de Freaks c'est ce nabot de Joey Jeremiah Johnson qui fait figure de bellâtre.
Mais le contraste entre ces deux univers apparaît encore plus clairement
lorsque l'on compare les scénarios. Par exemple, dans le dernier épisode de
Hartley
que j'ai vu, une fille décide soudainement de rentrer de France où elle
était partie étudier. Le téléspectateur apprend au fur et à mesure de
l'épisode qu'elle y a rencontré un garçon, mais qu'ils ne sont plus
ensemble. N'importe quel habitué de ce genre de série établit immédiatement
l'équation suivante :
voyage seule en France+garçon+séparation+retour inexpliqué=fille enceinte
et en effet, elle finit par l'avouer. Mais, à la fin de
l'épisode, on apprend qu'en fait c'est bon elle a eu ses anglais, y'a plus
rien à craindre, tout est bien qui finit bien, au revoir et à la semaine
prochaine. (c'est pas dit comme ça mais c'est l'idée)
Passons sur le manque de crédibilité d'un tel scénario (faire dix heures
d'avion pour un retard de quelques jours, faut vraiment avoir un problème..),
ainsi que sur le bon vieux cliché français=baiseur fou (qui pimente déjà
beaucoup d'échanges de lycéens avec l'Allemagne ou l'Angleterre),
pour comparer avec le même type de problème, qui se pose deux fois dans
l'histoire de Degrassi. C'est l'atroce Spike (85-95-95) qui se fait mettre
en cloque la première, mais cette fois ça rate pas (parce que le foutre
français, c'est pas hyper-efficace apparemment). Et là, l'imprudente
pécheresse en chie vraiment : elle réussit à ne pas se faire virer de l'école
mais ça ne l'empêche pas d'emmerder régulièrement
tout le monde lors des saisons suivantes de la série sur le thème "j'ai
un bébé, j'ai des responsabilités, je ne peux pas sortir et en plus le
père ne me donne pas d'argent pour l'élever". Rappelons que ce-dernier, Sean,
est à moitié timbré et paralytique depuis qu'il a sauté d'un pont après
avoir pris un acide (je n'invente rien).
Bon, il ne s'agit que d'un exemple, mais il illustre bien le jusqu'au boutisme des créateurs de "Degrassi". Alors que dans "Hartley" les personnages de la série prennent un instant conscience de cette menace qui pèse sur leur vie de jeunes baiseurs mais qui ne se réalise pas vraiment, dans "Les années collège" c'est le téléspectateur lui-même qui tremble réellement puisqu'on lui inflige la vision de ce qui peut arriver de pire. Et il en va de même pour tous les sujets abordés: drame de la drogue, pédophilie traumatisante, suicide, anorexie, épilepsie, décès des parents, fugue, échec scolaire, racket, et, last but not least, SIDA.
En un mot, Degrassi, c'est du Zola. Et cette série restera toujours au sommet de la glauquerie télévisuelle, entre "Témoin numéro un" et "Princesse Sarah", haut, très haut au-dessus des pitreries australiennes de Hartley.
Bigorno
Certes, mais dans "Hartley" le drame reste un évènement marquant, ponctuel, isolé, alors que "les Années Collège" en font une constante, voire même une norme. Le seul épisode qui pourrait choquer un téléspectateur habitué serait un épisode où il ne se passerait rien de tragique.