Est-ce un rêve dans le rêve ou me suis-je réveillé téléporté ? Je reprends
conscience de moi-même dans ma propre rue : il fait nuit, il n'y a pas de
voiture, alors je marche au milieu, je descends doucement vers la Seine,
que j'atteins après avoir franchi l'avenue de Versailles. A ma gauche, en
amont, la tour Eiffel éclairée se reflète dans le fleuve. En marchant un peu
j'y serai bientôt.
Je marche donc le long de la Seine. A ma droite,
en contrebas, les voies sur berge. A ma gauche, une rangée ininterrompue
d'immeubles bourgeois.
Soudain, la lumière blanche d'un éclair fait apparaître parmi eux la
façade caractéristique d'une église romane. Dans l'obscurité revenue, je
scrute. Pas d'église. Aucune trace de cette vision éphémère. Derrière une fenêtre,
je vois une femme au téléphone. La lumière s'éteint d'un coup et un
petit éclair bleu parcours de bas en haut la pièce plongée dans
le noir. Tout ceci s'est déroulé rapidement et sans le moindre bruit. D'un
seul coup cette pièce explose, le souffle arrache la fenêtre et brise
ce silence étouffant. Le feu se répand immédiatement à tout l'immeuble, puis
aux batiments voisins.
Il faut que je rentre le plus vite possible chez moi. Je me mets à rebrousser
chemin en courant sans me retourner. Je me vois de dos, fonçant droit
devant moi en faisant des écarts à droite ou à gauche pour éviter les poubelles,
réverbères et arrêts de bus répartis sur le trottoir qui défile sous mes pieds.
A chaque fois que je croise un de ces obstacles (ou un panneau, un arbre,
un parcmètre), il prend feu d'un seul coup.
Arrivé chez moi, je trouve les pompiers dans la cage d'escalier.
Bigorno, rêvé en 1993.